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Les métiers de Poisvilliers- Marc (vendredi)

Dans mon village vit une très vieille femme qui, autrefois, remaillait les bas.

Maintenant, les collants déchirés sont jetés alors, forte de son savoir-faire et constatant le succès de la « tanière »à Nogent le Phaye, la « Mère Ida » remaille les ailes des libellules blessées.

C’est un travail saisonnier mais à son âge travailler l’été est suffisant. Il faut la voir partir avec son filet à papillons et sa petite boite ajourée, aussi les enfants la suivent elle jusqu’au bord de la mare. L’œil néophyte ne voit pas ses pauvres bêtes souffrir mais elle, les distingue tout de suite. Avec beaucoup de précaution, elle les capture et les ramène dans sa maison « clinique ».

Avec infiniment de soins et des outils d’une grande finesse elle suture les ailes abimées, pose des attelles aux pattes cassées et même avec un savoir-faire exceptionnel, elle redresse et recolle les antennes en mauvais état. Le plus spectaculaire reste la remise en place des ocelles sur les ailes de ces créatures magnifiques.

Cette petite vieille ne tremble jamais dans ces circonstances et sous sa loupe binoculaire, papillons, libellules, araignées d’eau, abeilles et parfois hannetons retrouvent la santé. Elle fait ce métier pour l’amour de l’art et des insectes qui, bien sûr ne lui sont reconnaissant qu’en fuyant dès qu’ils sont rétablis, sa plus grande joie est de les voir s’envoler pour vivre leur vie.

Ne croyez pas qu’elle soit naïve car les apiculteurs qui viennent la consulter quand une de leur « reine » ne va pas bien, doivent verser leur obole. Avec le succès de ses pratiques, les journalistes sont eux aussi accourus pour l’interroger. Elle a vite compris qu’à l’instar des joueurs de foot elle pouvait monnayer ses prestations.

 

Regardez un autre personnage du village est au travail ! C’est Mimil, l’employé communal qui a fini sa journée. Après avoir biné les herbes dans le cimetière, il va commencer sa deuxième journée. En effet, il est nettoyeur d’éclats de lumière.

On ne s’imagine pas mais la lumière s’infiltre partout, sur le sable, sur les carreaux des fenêtres et lorsqu’il a plu le village entier se couvre d’éclats de lumière. Mimil aime que rien ne traine donc avec son sac à lumière il passe partout pour ramasser les éclats qui brillent dans le village. L’avantage est qu’une fois ensachés, ils disparaissent donc Mimil n’utilise qu’un seul sac depuis qu’il a entrepris ce labeur.

Lui n’a pas l’esprit mercantile de la « Mère Ida » et n’accepte aucune rétribution pourtant il rend des services forts appréciés notamment aux automobilistes quand leur pare-brise est tellement plein d’éclats de lumière qu’ils ne voient plus rien pour conduire. Les pécheurs à la ligne ont aussi recours à lui quand ils ne voient plus leur bouchon. Certes il fait un peu concurrence aux opticiens car grâce à lui les lunettes de soleil deviennent inutiles mais il s’en moque puisque qu’il n’y en a pas à Poisvilliers or il ne sort jamais du village.

 

L’autre jour j’ai surpris une conversation qui ne peut avoir lieu dans aucun autre village.

 

Mimil, dit la « Mère Ida » vient avec moi car à la mare des « Luets » une grenouille inexpérimentée a blessé cinq libellules et trois papillons, il faut que je les soigne mais avec ce soleil, pas moyen de les voir, vite, les journalistes de l’Echo Républicain viennent me rendre visite cet après-midi. Pour ma renommée je dois leur montrer que je sais remailler une aile de papillon en moins d’une heure.

 

Moi je veux bien, dit Mimil, mais l’instituteur a coincé son télescope avec des éclats de lumière venant de la « Grande Ourse » et il m’a demandé de nettoyer tout cela.

 

Il n’est pas pressé l’instituteur, les élèves sont en vacances, allez, viens !

 

Bon, si tu veux mais il faut aussi que je capture les éclats de lumière qui sont sur les vitraux sinon le curé va trouver que ça fait négligé.

 

Viens vite, le Ciel attendra mais pas les journalistes !

 

Voilà une tranche de vie de mon village extraordinaire mais ne le répétait pas car il perdrait de son charme.

 

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