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Le vieux bonhomme - Jean-Pierre (vendredi)

Le vieux bonhomme vient de passer quelques moments difficiles. Le radio réveil lui a annoncé qu’il pouvait enfin quitter ce lit, où il se morfond, insomniaque, depuis trop longtemps. Rejoint par sa compagne, il gagne la cuisine, pour partager avec elle le café au lait du matin. Moment jadis riche d’échange et d’affection. Avec leur double surdité les échanges, sont plus réduits, quelques sons passent encore, et des mimiques. L’affection, elle, n’a pas décru, bien au contraire.

            Ensuite l’épreuve de la toilette, avec cette douche, imposant un équilibre délicat, surtout à la fin avec, détail trivial, l’essuyage des pieds ! Le reste est plus simple.        

            Maintenant il rentre dans son bureau, son territoire. Il le parcourt d’un coup d’œil rapide : le grand bureau scriban en chêne, avec son abattant recouvert de livres, revues, papiers et objets divers. Le bureau plat tout aussi encombré. Le grand fauteuil, si confortable et si attirant, vieux serviteur, issu des soldes d’Emmaüs, bois verni apparent, recouvrage d’un velours pur acrylique à grandes fleurs multicolores, jadis de couleurs éclatantes, mais râpé et décoloré par l’usage, le temps et le soleil.

            En face un autre fauteuil très confortable lui aussi, plus sobre, dossier plat, assez haut, monture faite d’un seul montant de bois clair recourbé dans le plus pur style Ikéa, recouvrage bleu foncé. Encore quelques petites tables couvertes de livres et revues. Enfin dans un coin, sur une autre petite table exiguë, le fidèle ordinateur, un vétéran.

            Le vieux bonhomme regarde tout cela en souriant, l’air détendu. Un étranger dirait que dans un tel désordre, une chatte ne retrouverait pas ses petits. Mais lui se meut bien à l’aise dans ce bazar.
D’ un geste sûr et rapide il saisit au cœur d’une pile , une chemise cartonnée sur laquelle est écrit : Atelier d’écriture. Il sort de la chemise un feuillet portant la mention : Atelier du…et un thème.
Il s’assied ensuite dans son fauteuil de bureau à roulettes, très confortable, et dont le dossier grince à chaque mouvement. Il allume l’ordinateur, qui après un temps assez long accepte de le servir. Il médite quelques instants, puis se met à taper, d’un doigt, en général le médius droit. Parfois un deuxième doigt entre en jeu, très rarement deux à la fois. Les lettres, les mots, les paragraphes se succèdent.
Le vieux bonhomme a l’air concentré et heureux. Il arrive à créer un récit, un texte, quelque chose. Est-ce que ce texte tiendra debout, aura-t-il un bon écho dans le groupe d’écriture ?

 

            À un moment il prend l’air nerveux. Sans doute arrive-t-il à la limite du temps imparti. Il se met à taper plus vite, puis se redresse, fait quelques corrections, et déclenche l’imprimante. Il se relève ensuite prend la liasse de feuillets, les fixe avec l’agrafeuse. Enfin avec un air heureux, il se laisse aller dans le grand fauteuil.

Visiblement il a bien mérité son repos.

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Commentaires: 1
  • #1

    Nicole Langevin (mardi, 28 avril 2020 00:23)

    Quel pur plaisir je prends à lire ce texte, savoureux, plein d'humour et de malice.
    On voit m'auteur taper sur son clavier et accélérer parceque le temps imparti... file et fait s'activer quelques doigts. Le temps de la relecture, le sourire de plaisir et enfin la détente... Encore un plaisir enchanté.