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Et j'ai lu - Kinna (lundi)

 

              Mon petit cœur,

              Je ne suis pas encore parti que je suis déjà envahi de remords. Je vais abandonner ma petite princesse dans ces lieux où nous avons été si heureux et je ne peux t’exprimer de vive-voix ce que je ressens.

              Comment en sommes-nous arrivés là ?

              Tu as très longtemps compté sur moi pour te protéger. Ton enfance solitaire, sans amour, m’a toujours ému. J’ose croire que ma présence, qui t’a été si longtemps indispensable, t’a permis de connaître l’amour, la complicité d’une relation si surprenante pour notre entourage. « Mon petit père », me disais-tu parfois. C’est vrai que j’étais un peu vieux pour toi. J’ai été ton père, ton frère et ton amant. Je t’ai vue t’épanouir au fil des ans, puis te transformer. Tu as enfin réussi à vivre avec ton passé et a savouré le présent qui était le nôtre.

              Malheureusement, je n’ai pu te permettre de devenir mère, ce que tu souhaitais plus que tout au monde. Tu as toujours refusé d’adopter un enfant et je ne t’ai pas comprise alors.

              Ta rencontre avec Julien était inévitable. Comment ai-je pu la faciliter ? J’aurai dû comprendre qu’avec lui tout serait nouveau pour toi. Tu ne pouvais résister à l’attrait de son regard si velouté ; tu étais hypnotisée par les voyages qu’il racontait et qu’il commentait avec tant de fougue. Il ne parlait que pour toi, c’était visible, et tu t’es éloignée de moi, si rapidement, si inexorablement. Je ne pouvais lutter.

Notre vie commune s’est émiettée. Je te voyais rêver d’ailleurs lorsque nous étions seuls. Tu t’es absentée de plus en plus souvent.

Et tes aveux d’hier soir n’ont été que la conclusion de notre belle histoire. Je m’y attendais : je ne suis pas de force à lutter ou à m’opposer à ce que tu vives ce nouveau bonheur

Je vais donc disparaître de ta vie, ne te laissant que cet écrit, témoin de mon désarroi et de ma résolution

Si tu veux divorcer, contacte ma sœur, elle saura où me joindre

 

Je pense que je resterai solitaire pour le restant de mes jours. Mais je t’en prie : sois heureuse, c’est tout ce que je peux souhaiter pour toi.

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